Je suis heureuse
Je suis poreuse
Traversée et traversante
Je suis amoureuse
bouleversée et bouleversante
Je suis heureuse
Je suis poreuse
Traversée et traversante
Je suis amoureuse
bouleversée et bouleversante
Je n'ai jamais compris tous ces films où la chirurgie esthétique permet à quelqu'un de reprendre la vie de quelqu'un d'autre.
C'est tout simplement impossible : le timbre de voix, les intonations, la respiration, le rythme de la phrase, les gestes quand on est en colère, les changements d'humeur, le sens de l'humour, les proximités et les distances, l'odeur de la peau et des cheveux, l'odeur de la peur... comment peut-on ne pas voir que ce n'est pas la même personne !
Et puis il y a ces autres films ou des gens échangent leurs corps et vivent la vie l'un de l'autre. Les gens peuvent être énervés d'être dans le mauvais corps, embarrassés d'avoir changé de sexe et de genre, heureux de découvrir les fonctionnalités de leur nouvelle anatomie, étonnés d'entendre leur nouvelle voix. Les extraterrestres qui empruntent le corps d'un humain peuvent s'y sentir à l'étroit.
Mais on ne parle jamais de ce que cela fait d'être dans un autre système, une autre alchimie interne, d'autres configurations musculaires, un autre centre de l'équilibre, des émotions qui surgissent alors qu'on ne les attendait pas, le corps qui a faim a de drôles d'heures, l'impression lancinante que quelque chose d'intangible était possible avant, mais ne l'est plus maintenant.
Franchement, on devrait en parler : ça ferait un putain de film ! Et certainement pas une comédie à deux balles...
Pour ce passage de l'an, nous sommes installés sur les contreforts des Pyrénées, dans un village sans grandeur, mais dans une maison aussi vieille que la civilisation catalane. Cinq adultes, cinq enfants. La troupe est répartie dans de toutes petites pièces débouchant les unes dans les autres, autour d'une immense pièce vide, au sol pavé qui plie sous les siècles. Le salon adjacent n'offrait qu'un poêle de façade, dont la fumée abondante nous a vite convaincus de nous réfugier autour du confortable foyer de la cuisine.
Après une journée ensoleillée dans un village voisin, à parcourir les ruines et les bâtisses d'un autre temps et à remplir les coffres de voiture de victuailles, nous voici de retour au bercail. Comme toujours avec ma famille franco-brésilienne élargie, pas de plan défini, pas d'heure fixe, plein d'idées en ligne de fuite, et plein de vivres pour qu'au moins quelques unes de ce envies se concrétisent de façon très satisfaisante.
Première tâche essentielle : couper le magnifique jambon ibérique, dégoté dans l'unique boucherie ouverte. Un ravissement dégoulinant de gras que les adultes dégustent dans la cuisine avec un verre de vin en commençant à faire le feu et à préparer le repas. Les enfants se sont réfugiés dans les chambres. Ils tentent de passer le temps malgré une connexion internet si faible qu'ils doivent se la concéder à tour de rôle. Grâce à un même système de rotation parfaitement informel mais terriblement efficace, ils apprennent à temps l'existence du jambon et se relaient pour prélever chacun une part du mets de choix.
Le menu - tout du moins ses grandes lignes - a été conçu pour satisfaire la gourmandise de tous. Beaucoup de viande, que les adolescents dévoreront avec une énergie sans faille, suivis de près par les adultes. Des pommes de terre au romarin, que tous, y compris la plus petite, pourront manger. Des légumes, que le végétarien repenti et la Française ont tenu à préparer et qui permettront aux autres de dormir de façon plus paisible. Du fromage et du pain, évidemment : une troupe de Brésiliens en Europe ne peut pas ne pas en dévorer des kilos... les visages transis d'extase. Et un dessert, très improvisé, qui ne verra jamais le jour.
Beaucoup de vin pour les adultes. De la bière de brasseur pour le plus grand des garçons et la plus grande des filles, malgré l'opposition de son père. Ledit papa protestera, mais dans ce groupe-là, c'est strict : les rites de passages sont de la responsabilité des oncles, des tantes, des amis, pas des parents. La jeune fille - qui a déjà largement eu son lot de bières loin des yeux paternels - rentrera dans le groupe des adultes ce soir là, dès que son père aura le dos tourné. "Vite, vite, prends une bière avant que ton père ne revienne!".
Déterminer à quel moment de ce programme tout le monde s'est retrouvé à table est parfaitement impossible. Et à minuit, à nouveau, la totalité de la troupe était là, sur le balcon et sous les étoiles, pour célébrer la nouvelle année naissante. Le banc de poisson a son rythme propre, mais ne perd jamais le sens du tempo et du spectacle.
Parfois, la discussion des adultes revenait à une inquiétude lancinante : les enfants devenus grands sauront-ils simplement s'asseoir autour d'une table, près d'un feu crépitant, avec un verre de vin et de bonnes choses à manger, juste pour partager un moment ensemble ? Internet mettra-t-il fin à l'intimité et à la convivialité telles que nous les connaissons ? Au milieu de cette conversation, les enfants ont débarqué les uns après les autres et un jeu de carte s'est organisé. Autour de la table, Brésiliens, Brésilo-français, Franco-brésiliens et Française, parlant la langue de l'autre à des degrés très divers, jouaient.
Ensemble, heureux.
Et il y a peut-être bien un avenir harmonieux possible pour ce monde globalisé, à condition de se laisser aller au bonheur des choses simples.
Mes meilleurs voeux pour 2017 !
C'est marrant de passer son temps à trouver des métaphores pour essayer de communiquer l'incommunicable. Vous allez rire, mais j'ai fait plein d'études où on analysait et disséquait les mots... Ponétique, phonologie, lexicologie, morphologie, syntaxe. Au bout du compte, je peux dire deux où trois choses de la forme des mots. Mais je ne crois pas que savoir tout ça m'aide à me faire comprendre de mon prochain.
Et pourtant, j'aimerais bien être comprise. J'ai perdu des facultés de concentration et de mémorisation. J'ai l'air d'être normale, mais je ne le suis pas. Toutes ces années d'études qui ne serviront plus jamais à rien. A la poubelle. Je sais des choses, mais je ne peux plus me concentrer assez longtemps pour les transformer en une matière d'intérêt. Sauf de petites analyses rigolotes qui ne réjouissent que moi et n'aboutiront jamais à rien.
Un exemple. Une amie lusophone a commencé écrire des chansons en français, mais ça sonne bizarre. Tiens ? Pourquoi ? C'est très poétique, mais on n'y comprend pas grand chose. Pourtant, tous les mots sont français, et les phrases acceptables en contexte poétique francophone.
Ouh, irrésistible ! une mini-énigme à résoudre, dont mon petit ordinateur interne de linguiste se saisit avec délectation. Car il me reste un pathétique petit sous-programme qui continue, imperturbable, à collecter des occurrences, sans savoir que le reste du bâtiment est ravagé. Le méta-programme qui permet d'avoir une vue des données collectées dans leur ensemble a fondu et la moindre tentative de restauration fait baisser les batteries à un niveau critique.
Alors il se jette, mon petit survivant, il se jette sur les phénomènes localisés, qu'il peut examiner sans trop de déperdition d'énergie. Il s'y prend à plusieurs reprises. Et bim, il pond une micro-théorie de la rime en portugais du brésil, comparée à la rime en français. Et après moulinage et moulinage, on a ça (accrochez-vous, ou passez directement au prochain paragraphe) : en français, interdiction absolue de faire les apocopes si prisées des Brésiliens, qui font rimer le milieu d'un mot avec la fin d'un autre. Le français chanté a trop besoin de l'accentuation sur la dernière voyelle pour accepter que la dernière syllabe soit évacuée. (avouez, ça n'a aucun intérêt, sauf pour moi et mon petit sous-programme. D'ailleurs je crois que je vous ai perdus)
Ca, c'est fait. Il n'y a pas à dire, mon petit sous-programme fait des merveilles compte tenu des conditions dans lesquelles il est obligé de travailler. Mais ça n'ira pas plus loin. Pas de recherche sur les spécialistes des procédés poétiques, pas de constitution de corpus d'étude représentatif, pas de transcriptions. Pas de comparaison de la performance explicative des modèlisations proposées par les différents courants d'analyse. Juste un bourgeon d'idée. Qui de fleurira pas.
Donc voilà, j'ai l'air d'une linguiste, j'ai les amusements saugrenus des linguistes, mais je ne peux plus être linguiste. Et la linguistique ne m'aide pas à faire comprendre ce qui m'arrive.
C'est la métaphore qui marche, plus ou moins. Pour me faire comprendre, un peu.
Les points de vie, c'est la dernière de mes métaphores en date. Je vous la livre à l'état brut.
J'ai le sentiment de commencer la semaine avec un capital de 70 points de vie, alors que les autres en ont plutôt 210. Si je joue en équipe, je dépense autant de points de vie que les autres en début de partie.
Le lundi, tout le monde dépense allègrement 30 points. Le mardi, idem. Et moi avec les autres, bêtement. Du coup, dès le mercredi, je me retrouve avec 10 points, alors que tous mes compagnons d'aventure en ont encore 150. Il va falloir que je finisse ma semaine en calculant chacun de mes mouvements pour ne pas y laisser ma peau.
Alors autant vous dire que consacrer ces malheureux points restants à la lecture d'articles scientifiques de haut niveau me mènerait rapidement à la carence alimentaire, l'interdit bancaire, ou la solitude absolue : je n'aurais pas l'énergie pour faire les courses, ouvrir mon courrier ou répondre au téléphone.
D'ailleurs, que dis-je, je n'ai pas l'énergie pour faire les courses, ouvrir mon courrier ou répondre au téléphone. Parce que je suis assez bête pour continuer à vouloir à avoir un travail et que, même à temps partiel, ça me crame mes points de vie à une vitesse supersonique.
Alors me voilà, officiellement guérie depuis 5 ans. Déclarée totalement apte par tous nos amis médecins. Mais je dois choisir entre travailler et avoir une vie sociale. Entre avoir une vie amoureuse et gérer mes affaires administratives. Entre prendre des cours de théâtre et recevoir ma famille. C'est normal, docteur ?
How can they bend over me
Listen to my heart
Read my blood test results and tell me
I am well
When I tell them
I feel unwell
Yes, yesterday I was dead
And today, I am undead
But, surely, it's not the same as being alive ?
How can a mere dozen of micrograms of hormones
do and
undo
entire lives?
If I were to fold and
unfold
fold and
unfold
fold and
unfold
my fingers to try and detect those micrograms
that rule and
unrule my universe
they would remain undetected
I used to be
unbreakable
undamaged
unafraid
unemotional
And here I stand
emotional
afraid
damaged
broken
and I still don't understand
How can they bend over me
Listen to my heart
Read my blood test results and tell me
I am well
When I tell them
I feel unwell
Yes, yesterday I was dead
And today, I am undead
But, believe me, it's not the same as being alive
It's not
It's not
Sors de ta cité d'or
Descends les marches de glace
Traverse les vignes de ton domaine
Jusqu'à en dépasser les frontières
Longe la rivière jusqu'au fleuve
Et évite le repaire des grands aigles
Passe par la ravine étroite
Descends la falaise
Marche dans la steppe
Jusqu'au désert
Sans te retourner
Ne t'arrête pas à l'oasis
Et gravis les trois montagne
Descends les collines
Jusqu'à l'océan
Nage tout droit
Jusqu'au prochain aber
Là, traverse la lande
Coupe à travers les ronces
Enfonce-toi dans la forêt
jusqu'à la clairière
Et creuse
Creuse jusqu'au coeur de la terre
Tu trouveras
une masse Informe, froissée, blessée
Sors-la de l'humus
Allonge-la sur l'herbe, sous le soleil
Laisse l'air carresser ses cils
Nettoie la terre de ses narines et de sa bouche
Et serre
Serre, serre, serre
Serre-moi fort, papa
Serre-moi dans tes bras
Et tu verras
Cinquante bambous arrachés
Je me jure de t’oublier
Cent lampsanes éradiquées
Ton visage vers moi abandonné
Cent cinquante podagraires dégommés
Tu ne m’appartiens pas, tu es lié
Deux cents mètres de liserons tirés
L’apaisement de ta voix sucrée
Deux cent cinquante branches coupées
C’est sûr tu ne m’as même pas calculée
Trois cents pâquerettes déplantées
Mais je n’ai jamais autant aimé
Quatre cents coups de râteau passés
Tue-moi, parle-moi de ta bien aimée
Quatre cent cinquante pissenlits délogés
Ton âme tant admirée
Cinq cent violettes déracinées
Ca y est, c’est bon, je veux t’oublier
Cinq cent cinquante pliés-relevés
Ton cou sans faire exprès
Mais ôte-toi donc de mes pensées
Mon cher amour,
Tu m'as fait très peur, très peur. J'ai perdu la confiance que j'avais en toi, en nous. Nous traversons une passe difficile. Tu as beaucoup changé. Qualitativement et quantitativement, on va dire, pour faire vite. Et, de fait, j'imagine que moi aussi j'ai évolué.
Je dois dire que j'étais extrêmement naïve, je te faisais une confiance aveugle. Je comptais sur toi comme sur un frère. Je n'ai pas de frère, ceci explique peut-être cela. Et tu m'as trahie. Dans les grandes largeurs - haha - si j'ose m'exprimer ainsi.
Allez, ma belle carcasse, on a quand même passé des moments de dingue ensemble, tu ne peux pas le nier ! La gloire d'avoir vingt ans. Une énergie sans fin. Bon, et sans but aussi, c'est pas faux.
Mais et la Norvège, tu te souviens ? Le froid sec et mordant, le ciel bleu comme au matin du monde. L'initiation au ski de fond avec les enfants. Oui, cette partie là c'était un peu la honte, mais on a eu du fun, non ?
Et la mer ! Les heures dans l'eau, les jeux dans les vagues, la sortie dans le vent, frissonnant. C'était merveilleux, avoue !
Et tous ces déménagements, des kilomètres d'escaliers dans la joie et la bonne humeur.
Tu t'en rappelles, mon enveloppe chérie, tu te rappelles ? Tu ne voudrais pas que ça revienne ? Qu'on revive des moments comme ça ?
Je sais que tu n'es pas seul en cause dans cette affaire. La confiance est perdue. Mais on peut la travailler, la confiance, la regagner.
Je suis certaine qu'on va y arriver. Mais il faut arrêter les conneries. Les vertiges, les bouffées de chaleur, les maladresses à répétition, les coins des meubles, faut éviter tout ça à présent.
Moi, de mon côté, je m'engage à nous trouver un lieu et un temps pour nous re-rencontrer, nous faire du bien et apprendre à nous connaître à nouveau. On a testé nos limites, on les a trouvées, c'est bien. Maintenant, reprenons à zéro.
Le marché n'est pas mauvais, mon amour, ma petite carne préférée. Accepte, tu verras. Notre histoire n'est pas finie. Nous avons encore de beaux jours devant nous, si nous travaillons ensemble pour y arriver. Je sais que nous le pouvons.
Rendez-vous à la rentrée mon petit tas de cellules adoré, pour quelques séances de découverte.
J'ai pensé au krav-maga, ça va tester notre coordination, et nous redonner confiance en nos capacités, tu vas voir.
Je t'aime mon petit organisme à moi, je t'aime de tout notre coeur.
Ne me laisse pas, reviens-moi. Reviens-moi.
Semaine 36, je viens et je pisse
Semaine 37, je viens et je pète
Semaine 38, car tu prends la fuite
Semaine 39, c'est gros comme un boeuf
Semaine 40, il faut que tu mentes
Semaine 41, putain de destin
Semaine 42, je vais faire un voeu
Semaine 43, je pleure et j'ai froid
Semaine 44, que quelqu'un te châtre
Semaine 45, je crie comme une dingue
Semaine 46, mais tu restes lisse
Semaine 47, c'est toi qui décrètes
Semaine 48, il n'y a pas de suite
Semaine 49, toujours rien de neuf
Semaine 50, sur la mauvaise pente
Semaine 51, je dois prendre le train
Semaine 52
Semaine 52 oedème visqueux
Le battement de mon cœur, l’afflux dans mes artères
Crush.
La vague contre mes cuisses, le reflux vers la mer
La rougeur spontanée, le regard qui la vole
Crush.
Un moment suspendu, des pétales qui s’envolent
L’angoisse instantanée, le blues qui la reprend
Crush.
Le réveil a sonné, mais il reste du temps
La glace accumulée, le dégel du printemps
Crush.
Le pipi très pressé, les chiottes juste à temps
Le piment à croquer, la brûlure sur la langue
Crush.
Le whisky avalé, la chaleur qui nous tangue
Le pavé dans la mare, les ondes s’éloignant
Crush.
La lumière qui repart, les papillons dansants
Le jean bien trop serré, le bouton qu’on défait
Crush.
La lettre recommandée, m’absout de mes péchés
Un tout petit paquet, une merveille satinée
Crush.
La clope du condamné, le pardon arrivé
Le rendez-vous raté, le thé qu’on fait durer
Crush. La bouffée d’air pressée, le plongeon délié
Crush. Le frein à main lâché, la roue qu’on laisse filer
CRUSH